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PARLEMENT WALLON – Commission de la santé du Parlement wallon, réunion du 26 novembre 2019

Le député Hervé Cornillie interpelle la Ministre de la Santé Christie Morreale sur la question du statut des pairs-aidants en Wallonie.

Nous constatons avec plaisir que la Ministre indique qu’elle compte inscrire la réflexion dans sa politique de santé.

Voici l’extrait du compte rendu de la séance. L’échange peut être visionné ici.

QUESTION ORALE DE M. CORNILLIE À MME MORREALE, MINISTRE DE L’EMPLOI, DE LA FORMATION, DE LA SANTÉ, DE L’ACTION SOCIALE, DE L’ÉGALITÉ DES CHANCES ET DES DROITS DES FEMMES, SUR
« LE STATUT DES PAIRS AIDANTS EN WALLONIE »

M. le Président. –

L’ordre du jour appelle la question orale de M. Cornillie à Mme Morreale, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Égalité des chances et des Droits des femmes, sur « le statut des pairs aidants en Wallonie ». La parole est à M. Cornillie pour poser sa question.

M. Cornillie (MR). –

Madame la Ministre, les pairs aidants, ce sont ces personnes, souvent au passé lourd d’addictions quelconques, qui ont fait l’expérience de grandes souffrances ayant bouleversé leur vie et qui en sont maintenant, fort heureusement, rétablis.

Ces derniers font appel à leur vécu ainsi qu’à des compétences acquises, lors d’une formation, afin de soutenir, rassurer, inspirer et accompagner des personnes confrontées à des situations semblables à la leur ou à celles qu’ils ont, en tout cas, vécues par le passé.

Le rôle de pairs aidants, dont les tâches ne sont pas précisément définies, se construit en fonction de la personnalité et du contexte dans lequel il exerce, en collaboration avec les équipes ou les institutions. Son intervention est complémentaire et, c’est important, à celle des professionnels du soin et de l’accompagnement auquel il ne se substitue pas. Il est important de le rappeler et cela peut peut-être d’ailleurs rassurer certains professionnels.

Si le concept est encore jeune en Fédération Wallonie-Bruxelles et en Région wallonne, la pair-aidance est une pratique déjà largement répandue dans le monde occidental. Aux USA, d’ailleurs, si je ne me trompe pas, c’est le M. le Président Obama qui en a assuré le financement structurel. En Wallonie, seule une formation « à la pair-aidance » existe depuis trois ans et c’est l’Université de Mons qui la dispense. Une antenne wallonne de pair-aidance En route, Wallonie faisant partie de l’ASBL En route a récemment été créée. 

L’antenne et l’ASBL mentionnées n’ont cependant pas encore la reconnaissance ou le soutien de la Région, malgré certains contacts établis avec l’AViQ. Je dois désormais dire qu’avec votre cabinet – et si mes informations sont bonnes – les intérêts convergent.

Votre administration a-t-elle connaissance des pairs aidants et de leurs activités ? Quelle analyse fait-elle de leurs interventions ? Je ne vous demande donc pas si des contacts ont été établis ou pas, mais quels sont les éléments que vous avez pu recenser à la rencontre de ces derniers ? Votre administration ou vous-même estimez-vous la pair-aidance comme une action utile pour les citoyens dans les milieux de la santé mentale, des addictions et de la précarité qui sont, notamment, pointées dans la DPR comme étant prioritaires et où les innovations seront soutenues ? Dans le cadre actuel, la Région peut-elle soutenir les pairs aidants et l’ASBL En route, Wallonie ? L’envisage-t-elle ? La possibilité pour les structures d’accompagnements et de soins d’engager des pairs aidants est-elle à l’étude ? Comment intégrer au mieux leurs actions et rendre leurs interventions structurelles ? La pair-aidance sera-t-elle considérée comme une profession à part entière, donc avec un statut reconnu ? Si oui, les structures bénéficieront-elles d’une aide externe, afin de ne pas devoir puiser sur leurs fonds propres – ce qu’elles font actuellement – pour engager des pairs aidants, parce qu’il y a déjà quelques micros-projets recensés sur le territoire ?

M. le Président. – La parole est à Mme la Ministre Morreale.

Mme Morreale, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Égalité des chances et des Droits des femmes. –

Monsieur le Député, comme vous le soulignez, le statut des pairs aidants est un concept encore jeune et dont l’acceptation et la portée sont en construction. Toutefois, ce concept a effectivement été porté à ma connaissance, notamment grâce à deux initiatives.

La première concerne la formation à la pair-aidance organisée par l’Université de Mons, depuis maintenant trois ans, et à laquelle vous avez d’ailleurs fait référence. Un financement annuel est octroyé par la Région à cette université dans le but de qualifier de nouveaux pairs aidants dans le domaine de la santé mentale et des assuétudes. L’objectif étant, également, de diffuser l’information sur la pair-aidance dans les institutions d’aide et de soins. Plus précisément, l’objectif est d’offrir au pair aidant en formation un suivi personnalisé, donner les modules de formation utiles à l’exercice de la pair-aidance sur le terrain, encadrer les intervisions entre le pair aidant et le maître de stage et cetera. Enfin, l’université organise également des temps de rencontre avec le grand public et les professionnels afin d’évoquer ce contexte en extra-muros.

Aujourd’hui, la formation a pu accueillir une soixantaine de candidats. Elle se construit sur la base de la participation, de l’empowerment et la co-construction de savoirs. Elle permet le passage entre le vécu singulier et la mutualisation de l’expérience. La formation change ainsi chaque année en fonction des savoirs coconstruits dans le groupe compte tenu des candidats. Elle fait également l’objet de plus en plus de sollicitations.

La seconde initiative est l’ASBL En route qui, comme vous le signalez, bénéficie d’une antenne wallonne depuis la fin septembre. Il y a une dizaine de jours, tout comme l’université de Mons, cette structure a rencontré un membre de mon cabinet. Durant les échanges, l’ASBL a eu l’occasion de présenter son projet du rétablissement. L’ASBL En route souhaiterait, en effet, travailler tant avec les professionnels de l’aide et du soin qu’avec les usagers pour promouvoir le concept que vous évoquez.

D’une part, en accompagnant les professionnels dans leurs réflexions en vue d’intégrer un pair aidant au sein d’une équipe et, d’autre part, en permettant à des pairs aidants de réfléchir à leurs expériences ainsi qu’à la notion du rétablissement.

Au regard des expériences positives déjà réalisées sur le terrain, l’ASBL Phénix, le centre de revalidation fonctionnelle La Charnière ou encore le centre d’activité thérapeutique du centre neuropsychiatrique de Saint-Martin, je peux déduire que ce nouveau concept ouvre de nouvelles perspectives tant pour les professionnels que pour les usagers dans leur parcours de soins.

Le pair aidant étant un messager de l’espoir, l’incarnation de devenir plus agréable en ayant, avec les professionnels, un regard nouveau sur leurs pratiques.

Grâce à ces deux initiatives et sur la base des intégrations de pairs aidants dans les expériences citées, je comprends que ces derniers bénéficient d’un savoir expérientiel lié à leur histoire ainsi qu’à leur fragilité. La connaissance par l’expérience recèle une valeur que ne remplace aucun savoir théorique. La personne en souffrance ne s’y trompe pas, lorsqu’elle peut s’adresser au pair aidant et dire ce qu’elle traverse. Ces ressources complètent donc les savoirs des soignants et viennent soutenir la personne dans son chemin vers le rétablissement. Le pair aidant pourrait, ainsi, se définir comme la pierre angulaire entre le professionnel et l’usager et représente donc une nouvelle catégorie ou une catégorie particulière d’intervenants.

Aujourd’hui, nous devons effectivement nous intéresser de plus près à cette spécificité et envisager la pair-aidance dans sa globalité. Tâchez de l’inscrire peut- être dans le paysage de l’offre de santé mentale, en tenant compte des changements que requiert la mise en place d’un statut spécifique. C’est un projet qui mériterait, je crois, d’être examiné.

Pour cela, la Région ne pourra avancer seule. Le niveau fédéral sera sans doute incontournable pour arriver à la construction d’un statut dans notre pays. Nous devrons également observer d’autres expériences qui ont été réalisées au Québec, en France ou encore en Écosse.

Je vous confirme donc que la Wallonie continuera, comme c’est mentionné dans la Déclaration de politique régionale, à valoriser les actions innovantes en matière de prise en charge et à améliorer la participation des usagers dans leur parcours de soins dans une perspective de rétablissement. C’est en tout cas dans cette optique que je souhaite inscrire mes actions.

M. le Président. – La parole est à M. Cornillie.

M. Cornillie (MR). – Merci, Madame la Ministre, pour cette réponse fouillée, qui reconnaît tout l’apport positif du vécu, du savoir expérientiel dans les parcours de rétablissement des personnes. Je crois en tout cas déduire que l’a priori est favorable, d’autant que la Wallonie finance déjà la formation, en tout cas soutient financièrement, si j’ai bien compris, la formation de l’Université de Mons-Hainaut. Allons alors jusqu’au bout de la logique : si l’on finance une formation qui permet de qualifier de nouveaux pairs aidants, c’est parce que l’on estime, à un moment donné, que ceux-ci doivent pouvoir entrer de manière officielle et structurelle dans le parcours de rétablissement des personnes confrontées aux bosses de la vie. On doit alors passer un cap.

J’entends que vous êtes favorable à la réflexion sur celui-ci, que l’on aura besoin du concours du Fédéral. Utilisons chacun les ressources qui sont les nôtres pour faire avancer cette question, parce que je pense que c’est un dossier qui mérite que l’on s’y attarde et qui pourrait essaimer dans d’autres disciplines. J’ai pris la santé mentale ici parce qu’il en avait été question sous la législature précédente, parce que l’on a aussi rappelé que l’on veut y travailler sous cette législature-ci.

Peut-être est-ce l’occasion de réfléchir à nouveau sur ce paysage-là et profitons de cette occasion pour donner un rôle plus important et officiel au pair aidant en Wallonie et à ce qu’il pourrait par ailleurs faire dans d’autres dossiers comme la politique du logement ou le Housing First, où l’expérience d’une personne serait utile pour faire tomber des barrières et rapprocher certaines personnes d’un secteur professionnel qui, lui, a peut-être encore certaines craintes, d’où l’intérêt du travail de l’ASBL qui, je l’espère, pourra d’une manière ou d’une autre, bénéficier d’un soutien structurel. Je ne sais pas si c’est par l’AViQ. Je ne vous pose pas une question ce faisant, mais il faudrait pouvoir donner les ressources voulues à cette ASBL pour qu’elle continue son travail.